Version Française 👇
Sancar Efe – Une petite lueur
par Navid Shahzad
Une petite lueur essaie de se frayer un chemin au travers du mur en béton que Sancar a édifié autour de son cœur, alors qu’il sert contre lui le petit corps chaud de son enfant en sanglots et qu’il la porte à l’intérieur de la maison, mais il ne veut pas y croire avant que le test ADN commandé d’urgence ait confirmé l’authenticité de sa paternité. Comme pour montrer que cette enfant a le droit de vivre dans la maison de son père, il la dépose sur le lit. Sancar est déchiré à la vue du visage inondé de larmes de Melek et de ses yeux et cheveux tellement semblables à ceux de sa mère. Décontenancé, il demande à sa sœur Zehra de prendre la relève. Les évènements de la nuit l’ont retourné jusqu’à la moelle—il est abasourdi par l’arrivée inattendue de Narê et par le fait d’apprendre qu’il est papa d’une petite fille de huit ans. Sa vie s’en retrouve totalement bouleversée, tel le mouvement d’un séisme gigantesque. Alors qu’il pensait véritablement avoir tourné la page et s’apprêtait à s’installer dans sa vie de marié, le retour de Narê vient non seulement perturber la cérémonie de mariage, mais aussi tout semblant d’ordre qu’il croyait avoir acquis dans sa vie. A cela s’ajoute l’apparence physique de l’enfant qui lui rappelle tellement sa mère. Melek est le portrait miniature tout craché de Narê, avec les mêmes grands yeux gris-verts, une peau de porcelaine et une masse de cheveux bruns bouclés. Et ce n’est pas tout. Melek laisse transparaître le même état d’esprit que sa mère, et ce, malgré les derniers événements qui auraient terrassé un adulte, et pis encore une enfant de huit ans. Comme le dit si bien le proverbe « Telle mère, telle fille », à l’image de Narê, Melek est une enfant forte, indépendante, et intelligente qui, au vu de circonstances imprévisibles pour elle ou pour sa mère, a dû grandir du jour au lendemain.
Contrairement à sa mère qui a aimé Sancar dès le premier regard, Melek, elle, se méfie de l’homme qu’on lui désigne comme père, d’autant plus qu’elle l’a vu maltraiter sa mère au point de la chasser de sa maison. Après tout, ce n’est pas évident de se sentir chez soi dans une demeure pleine d’adultes inconnus, y compris l’homme qu’elle identifie à présent comme son père. Elle n’a pas eu une bonne impression de Sancar lors de leurs premières rencontres et Melek s’est écriée : « Je ne sais pas pourquoi ma mère t’aimait ». Bien que Zehra, Elvan et Yahya l’accueillent avec chaleur dès le départ, Halise apparaît comme autoritaire et distante, et son instinct de petite fille détecte que Menekse la déteste intensément. Faire face à tant d’inconnus, après avoir enduré une scène de crime et pris précipitamment la fuite d’un pays vers un autre, et se comporter avec autant de calme et de sagesse témoignent de l’éducation exemplaire qu’elle a reçue de sa mère. Seule, effrayée, et complètement perdue, le premier pas vers un début de relation entre père et fille survient lorsque Melek n’arrive pas à dormir sans sa mère. Son petit visage en pleurs attendrit Sancar comme rien ne l’a ému autant depuis que Narê et lui se sont séparés. Et, c’est avec un petit sourire attendri qu’il propose timidement de dormir dans la même chambre. Melek accepte promptement cette proposition, et détournant son visage mouillé de larme, elle se recroqueville pour s’endormir.
Si Sancar rêvait un instant que la première nuit aux côtés de sa fille serait une expérience heureuse, il est vite ramené à la réalité par les nouvelles fracassantes rapportées par Gediz que Narê est sur le point de se suicider.
Laissant l’enfant paisiblement endormi, il prend la route, le cœur battant la chamade. Il arrive à la cabane au bord de la falaise, suivi d’un Gediz tout aussi paniqué que lui et du fidèle Kavruk. Emre Kabakuşak, le réalisateur de la série, fait un plan aérien de Narê prête à sauter du sommet des falaises redoutables alors que l’on voit en bas la voiture de Sancar arriver sur les lieux. Au moment où nous voyons Narê tendre les bras comme pour prendre son envol, le véhicule noir de Sancar freine devant la cabane, provoquant une énorme nuée de poussière. Cette prise de vue panoramique montre à quel point les vies humaines sont insignifiantes par rapport à l’immensité du monde et, que ça nous plaise ou non, le destin joue un rôle majeur dans les vies que nous pensons contrôler.
Il convient de rappeler que la plus grande douleur ne provient pas du fait d’avoir ses ailes arrachées pour se retrouver, en dépit de soi, handicapé comme ce fut le cas de Narê autrefois, mais plutôt de s’arracher les ailes soi-même comme Narê a présentement l’intention de le faire. Elle sait pourtant par expérience ce que signifie la chute fatidique, et combien il est douloureux de survivre et de ne pas mourir quand on le souhaite. En pleine agitation intérieure, elle se remémore ce qu’elle a fait promettre à sa fille, en l’occurrence, que Melek fera tout ce que sa mère lui demandera. Tremblante, angoissée, et pour autant désespérée qu’elle soit, Narê réalise qu’elle ne peut laisser à sa fille un héritage si cruel et, pour la seconde fois, c’est la petite fille qui sauve sa mère d’une mort certaine. Sancar, lui aussi bouleversé, la supplie de ne pas sauter et lui tend les bras, implorant. La scène, très tendue, prend place sur les falaises escarpées bleuâtres des montagnes silencieuses, alors qu’un soleil timide commence à poindre. « Ne saute pas » supplie Sancar terrorisé. Narê, finalement, choisit de vivre mais non sans laisser paraître son mécontentement. En effet, elle jette aux pieds de Sancar un ruban de soie rouge et un demi coquillage blanc nacré avant de filer rapidement en voiture à tout allure.
Entrecoupés de flashbacks montrant Narê et Sancar riant aux éclats et galopant à cheval, les deux voitures se lancent dans une poursuite effrénée sur une route sinueuse alors que Sancar paniqué klaxonne et hurle à Narê de s’arrêter sur le bas-côté. Il finit enfin par la bloquer au détour d’un virage et se met en colère contre « son attitude irresponsable » plutôt que d’exprimer la peur réelle qui l’a saisi et qu’il essaie de lui cacher. Alors qu’ils se crachent mutuellement leur venin, Sancar se fait trahir par ses yeux. Comme il aimerait la prendre dans ses bras pour se rassurer qu’elle est toujours bel et bien en vie et la réconforter, mais il reste néanmoins toujours hanté par ses redoutables émotions—en effet, la fierté et la colère face aux « offenses » du passé les tiennent tous deux à distance. On sent que Sancar devient de plus en plus frustré, surtout lorsqu’il est sur le point de révéler son sentiment réel à Narê qui lui demande, hors d’elle : « Qui es-tu vraiment ? » ou encore lorsqu’il heurte violemment le capot de sa voiture. Sa frustration ne réside pas seulement dans le fait que Narê refuse catégoriquement d’expliquer pourquoi elle a voulu de se suicider, mais également à cause des interruptions inopportunes de Gediz qui se font de plus en plus fréquentes.
L’adrénaline s’est atténuée lorsque Sancar arrive chez lui, mais le traumatisme prend vite le dessus. Alors qu’il se confie à son frère et sa sœur, tous deux inquiets par son état, le cœur de Sancar flanche. Les paroles qu’il prononce : « Mais je pensais qu’elle allait mourir » sonnent à la fois comme du soulagement et de la terreur à la pensée de voir Narê morte. Parvenant à peine à se maîtriser, il fait toutefois preuve d’un sang-froid remarquable devant sa famille. Mais c’est la vue de son enfant endormie, ressemblant plus que jamais à sa mère, qui finalement l’achève. Moralement et émotionnellement épuisé, cette « montagne » d’homme se laisse finalement emporter par une vague de chagrin qui le secoue jusqu’au plus profond de lui-même. Étouffant ses sanglots pour ne pas réveiller l’enfant, Sancar Efe s’effondre au sol à côté du lit, tout près de sa fille.
Le jour qui se lève apporte de nouveaux défis à Sancar qui doit, dans son rôle de père récemment acquis, présenter Melek à tous les occupants de la maison et ses coutumes. La situation est loin d’être idéale, surtout lorsque Narê revient chercher sa fille, ce qui déclenche un nouvel épisode de discorde entre les deux parents. Grâce aux quelques heures passées avec sa fille, le cœur desséché et sans amour de Sancar s’est enfin remis à battre d’une joie infime sans pareil. On le voit partager avec sa petite fille aux grands yeux écarquillés, l’histoire anecdotique de la famille. Dans le « refuge » de la chambre secrète que Sancar a parcouru durant toutes ces années de tristesse, le père et la fille commencent tout doucement à s’entendre alors qu’il lui dit : « Pendant huit ans, je n’ai pas entendu le son de ta voix. Ne sois pas silencieuse à présent ». Pour Sancar, la présence de cette enfant est comme un baume qui atténue la douleur aiguë qu’il a ressentie de la séparation avec sa bien-aimée. Pour Narê, Melek est sa raison de vivre. A cet égard, ils imposent sans l’avoir voulu un lourd fardeau sur les petites épaules de leur fille. Elle représente le flambeau qui illumine leurs journées, qui donne un sens à leurs vies, et qui agit en tant que catalyseur de la flamme ravivée de leur amour. Mais avant la confrontation entre père et mère et fille en fuite, la petite « famille » de Sangar doit faire face à un impitoyable et insurmontable ennemi en la personne de Güven Çelebi.
« La première fois qu’elle m’a appelé papa, elle ne m’a pas demandé de lui acheter un vélo. Elle m’a demandé de la sauver ! » dit Sancar qui s’en prend une nouvelle fois à Narê, la litanie de ses accusations s’amplifiant contre elle. Leur tout premier et bref instant de tendresse intervient ironiquement alors qu’ils sont tous les deux derrière les barreaux, et se passe au moment où Narê apprend combien Sancar a pleuré pour elle. Ce moment intime, tout comme pour l’épisode post-suicide, est brutalement interrompu par Gediz (eh oui… encore lui !) et Yahya. C’est ainsi que Narê et Sancar, s’investissent tous les deux de la mission de sauver Melek, sans qui ni l’un ni l’autre ne se sent entier !
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Version Anglaise 👇
‘Sancar Efe – A Little Light’
by Navid Shahzad
A single ray of light worms its way through the concrete wall that Sancar has built around his heart as he holds the small warm body of his sobbing child and brings her home; but not before an emergency DNA test has confirmed her paternity. Announcing her right to live in her father’s house; he lays the child on a bed. Melek’s tear stained face with her eyes and hair so like her mother are a heart wrenching sight for Sancar who appears awkward and ill at ease as he hands Melek over to his sister Zehra’s care. The night’s events have shaken him to the core – taken aback by Narê’s unexpected return and learning that he has an eight-year old daughter turn his life upside down like a giant seismic shift. Just when he thought he had put his past behind him and was about to settle down, Narê’s return not only disrupts his wedding but also any semblance of order in his life. The child’s appearance is also a constant reminder of her mother who is a miniature physical version of Narê with her wide gray green eyes, a porcelain skin and a mass of curly hair. And that is not all. Melek also exhibits the same spirit as her mother, despite recent shocking events that would have floored an adult let alone an eight-year old child. Like mother like daughter, she is a strong, independent, intelligent child who has, by circumstances beyond her control (or her mother’s) been forced to grow up overnight.
Unlike her mother who loved Sancar from the moment she set eyes on him, Melek is wary of the man she has been told is her father particularly since she has seen him mistreat her mother to the extent of throwing her out of his house. After all, it is no easy task to be comfortable in a household of adults who are complete strangers, which includes the man she now identifies as her father. Their first meetings have not reflected well on Sancar and Melek shouts at her father with a hurtful ’I don’t know why my mother loved you!’ phrase. Though Zehra, Elvan and Yahya welcome her with immediate and ready warmth, Halise remains imperious and distant while Melek senses with a child’s instinct that Menekşe dislikes her intensely. For a little girl to have to face such an array of strangers after witnessing a murder and a hurried flight from one country to another, and yet conduct herself with composure speaks for the kind of nurturing that Narê has practiced. Alone, afraid and more than a little lost, the first breakthrough towards building an initial relationship between father and daughter comes when Melek is unable to sleep without her mother. The little tearful face melts Sancar’s heart as nothing has touched him since Narê and he parted; and it is with a small, tender, hint of a smile on his face that he hesitantly offers to sleep in the same room. Melek accepts his suggestion readily, turning her tear stained face away from him and curling up to sleep.
If Sancar thought for a moment that his first night beside his daughter would be a novel, happy experience; his thoughts are shattered at the news that Gediz brings. Narê is about to kill herself!
Leaving the sleeping child and with his heart racing as hard as he drives, Sancar arrives at the cliff side hut, followed by an equally panic-stricken Gediz and the ever faithful Kavruk. Emre Kabakuşak, the director of the series uses an aerial shot of Narê poised at the top of the fearsome cliffs as Sancar’s car is seen arriving at the scene. As Narê spreads her arms as though about to take flight, we see his black vehicle braking in front of the hut in a cloud of dust. The panoramic shot emphasizes how insignificant human lives are in the greater scheme of things, and that, like it or not, destiny plays an immense role in the lives we think we control.
It is worth remembering that the greatest pain comes not from having one’s wings torn off and being incapacitated forcibly as Narê was in the past; but in tearing the wings off yourself as Narê presently proceeds to do. Only she knows from experience what the horrific fall means, and how painful it is to survive and not die when one wants to. Amidst this inner turmoil of hers, she hears the echo of what she has made her daughter promise: Melek will do whatever her mother does! Trembling and traumatized, desperate as Narê is, she cannot leave such a legacy behind and for the second time, it is the little girl who saves her mother from certain death. An equally distraught Sancar begs her not to jump as he extends his arms beseechingly towards her. The high tension scene is played amidst the sharp blue crags of the silent mountains as a faint sun begins to rise. ‘Don’t’, begs Sancar with his heart in his mouth. Narê finally turns back towards life but even as she does, she throws a red silk ribbon and a shell half at Sancar’s feet before driving off in her car at breakneck speed.
Inter-cut with flashbacks of Narê and Sancar laughing and racing each other on horses, the two cars speed on a dangerous winding road with an alarmed Sancar honking and shouting for Narê to pull over. Finally cutting her off at a bend he resorts to an outburst of anger at her ‘foolish action’ instead of expressing the very real fear he tries to suppress. While they spit venom at each other, it is his eyes that give him away. How he longs to hold her to reassure himself that she is still alive, to comfort her but for those dreaded emotions – pride and anger at past ‘offences’ keep them at arm’s length. Sancar’s near slip of the tongue in response to Narê’s angry ‘who are you?’ and action of slamming his hand on his car bonnet is a sign of increasing frustration, not only at Narê’s stubborn refusal to explain why she planned to commit suicide; as much as at Gediz’s untimely interruptions which are becoming a little too frequent.
By the time he reaches home, the adrenaline has subsided and the trauma now takes over. Sancar’s heart plummets as he tells his anxious siblings the state he is in. His ‘But I thought she was going to die’, response is a mixture of relief and terror at the thought of Narê’s death. Barely able to control himself, he exercises superlative composure in front of his family. But it is the sight of his sleeping child, looking more than ever like her mother that Sancar finally breaks down. Mentally and emotionally exhausted, the ‘mountain’ of a man is finally swept away by a tidal wave of deep grief which wracks his body. Stifling his sobs so as not to wake up the child, Sancar Efe collapses beside his daughter’s bedside.
The new day brings further challenges as Sancar in his new role as father introduces Melek to the rest of the household and its customs. The situation is far from ideal as Narê returns to take her daughter back, which opens up yet another chapter of contention between the parents. In the few hours that he has known his daughter, Sancar’s love starved heart has begun to beat again with a faint joy as he shares the family’s anecdotal history with the wide eyed little girl. In the ‘sanctuary’ of the private room that Sancar has paced in grief for years, father and daughter begin to bond delicately as he tells her, ‘for eight years, I have not heard your voice. Do not be silent now’, to Melek’s delight. For Sancar, the child’s presence is like a balm that softens the wrenching pain of separation from his beloved. For Narê, the child is her reason for living. In this respect, both inadvertently place a huge burden on the tiny shoulders of their daughter. She is the light that makes their days brighter, their lives meaningful and acts as the catalyst for their love rekindling into flame. But before the confrontation between father and runaway mother and child, Sancar’s little ‘family’ has to face an unforgiving, intractable enemy in the person of Güven Çelebi.
‘The first time she called me Baba, she did not ask me to buy her a bicycle. She asked me to save her!’ Sancar lashes out at Narê yet again as his litany of accusations against her grow. Their first brief moment of tenderness, as Narê learns how much Sancar has wept for her, happens ironically while both are behind bars. This moment, just as the post suicide episode is interrupted rudely by Gediz (again!) and Yahya. And thus begins the adventure to rescue their daughter without whom neither is complete!
Remerciements: Roselyne, Faryal
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