Sefirin Kizi « Fille d’ambassadeur »: Bienvenue à la critique

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Sefirin Kizi « Fille d’ambassadeur »: Bienvenue à la critique

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par FRANKIE 28 DÉCEMBRE

Depuis la première diffusion de la série, je suis témoin d’une grande agitation sur les réseaux sociaux. Un homme rejette à la fois verbalement et physiquement sa bien-aimée, qui a été abusée par l’homme qu’elle considérait comme un grand frère. Mettant en doute ses paroles, tout comme son propre père, il ne reste plus aucun soutien à cette dernière, qui décide de se jeter d’une falaise. Sur ce sujet, j’ai quelques mots à dire à ceux et celles qui ne demandent à voir que des femmes puissantes sur leurs petits écrans, et aux extraterrestres qui semblent découvrir pour la première fois le sujet tabou de la virginité.

Réfléchissons d’abord. Est-ce la première fois que nous voyons de la violence à la télé ? Pour autant que je me souvienne, dans les films de Yeşilçam, les hommes pouvaient violenter leur femme histoire de les dresser… Et puis tout le monde trouvait ça normal et la vie reprenait son cours. D’ailleurs, ces scènes étaient couramment reprises dans les comédies. Nous avons grandi avec ces films, et à travers les récits, on a en quelque sorte normalisé cette violence. Ici, ce n’est sûrement pas la démonstration de violences qui est mise en évidence, c’est surtout ce qui advient à chacun après cette démonstration de violences.

Pour ce qui est de Fille d’ambassadeur, je ne pense pas que Sancar, tout en travaillant dans les oliveraies, critiquait avec ses amis le milieu dans lequel il évoluait. N’oublions pas qu’il est le fils d’une mère se vantant en disant « j’ai choisi pour mon fils une fille qui n’a pas encore ouvert les yeux ». Bien sûr que, pensant avoir été trompé, sa virilité exacerbée et sa contrariété allaient le rendre virulent. Il faudrait avoir des pouvoirs magiques pour changer un tel homme. Les hommes qui pensent avoir été trompés terrorisent notre quotidien avec les « crimes d’honneur ». Alors ne pas vouloir voir ce genre de scènes à la télévision, ce serait faire l’autruche. Par quel autre moyen peut-on toucher le public avec ces problématiques ? Est-ce que nous avons la possibilité de nous rendre chez chacun et d’expliquer tout cela ? Vous avez la télévision, et Fille d’ambassadeur détient ce pouvoir et il l’a évalué, c’est tout. Le mouvement des femmes prend de l’ampleur partout dans le monde, et chacune peut enfin prendre son courage à deux mains et crier haut et fort « moi aussi j’ai été harcelée », mais dès qu’une série télévisée traite du sujet, on la lynche. C’est dommage surtout quand on sait que l’opinion publique peut changer le cours des choses. Quel est le problème si on dit des choses injustes qu’elles sont injustes ?

J’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi on s’oppose tant au traitement de ces questions. Cette série a la chance de pouvoir s’infiltrer facilement dans les foyers où des affaires similaires ont pu être étouffées, où les peurs ont pu prendre le dessus, où les révélations n’ont peut-être pas été prises au sérieux… Il y aura forcément des personnes qui réfléchiront à deux fois aux conséquences de faire taire le harcèlement, de ne pas avoir cru à un récit entendu. Peut-être qu’un jour, à l’écoute de telles confidences, on pensera à l’histoire de Nare. On dira « tiens, j’ai déjà regardé cette histoire de l’œil de la victime ». Qui sait ? Rien que l’éventualité, c’est un bon point.

Les séries nous donnent la possibilité de créer de l’empathie envers les victimes. Être témoin de la peine de Nare nous rend chaque jour plus furieux contre Sancar. Grossier personnage, immature au possible, croyant que posséder veut dire aimer mieux que protéger, en soi, un ignare. Ce qu’il a fait pour sa soi-disante fierté masculine et qui a pour conséquence d’avoir chamboulé la vie de beaucoup me revient sans cesse en mémoire. On assiste au bonheur du bourreau, du fait de ne pas avoir cru à la victime. Pensez-vous vraiment qu’on veuille idéaliser cette violence faite aux femmes ? Ayons des paroles sensées qui aillent au-delà de ce que nous avons d’ancré au plus profond de nous-mêmes, je vous en prie.

Regarder une série, c’est un peu prendre la route avec les personnages, être témoin des moindres changements, pas à pas. Ce n’est sûrement pas prendre deux minutes d’une scène, et de la critiquer n’importe comment sur les réseaux sociaux… Laissons Sancar payer ce qu’il a fait, il comprendra qu’un amour sans efforts ni respect ne peut pas survivre. Nous savons tous que la série a d’abord un but commercial. Mais tout en gagnant de l’argent, laissons le public tremper dans la problématique. Si on tient compte du fait que nous sommes tous en colère contre Sancar, cela signifie que la série est en bonne voie d’évolution. Je remercie chaque personne qui contribue à la réalisation de la série, amour et respect.

Engin Akyurek France / Gülperi Bilici / Sarah Keating

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