Je me prénomme….

Je me prénomme….

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Auteur: Engin Akyürek
Kafasına göre, #39 Edition Juillet-Août

Kedi (chat) :

Si vous êtes curieux de savoir mon nom, je peux tout de suite vous le dire, je m’appelle Kedi. Je suis un chat semblable à ceux que vous connaissez, à ceux que vous croyez nourrir chez vous. Cette absurdité de donner des noms est vraisemblablement propre à l’homme seulement. C’est bien vous qui nous donnez des noms, auxquels vous donnez aussi un sens. Tous les chats ne sont que des chats. Nous n’éprouvons nullement le besoin de nous donner des noms, cependant nous arrivons toujours à nous reconnaitre. Si deux chats allaient se ressembler cela signifierait que le monde irait mal. Vous les hommes, vous êtes si semblables que je comprends que vous ayez besoin de vous donner des noms en voulant vous différencier.

Si je devais en dire un peu plus me concernant : j’ai six ans et je suis un mâle de la race Tekir (tigré). Ces renseignements devraient vous suffire. J’ai passé ma vie à courir derrière mon pain. Je ne dis pas cela pour me plaindre, nous les chats, nous savons toujours être heureux. Vous, les hommes, comme vous le dites si bien « vivons le moment », nous les chats, nous le réussissons sans faire d’effort. Tous les chats, nous sommes, comme vous l’affirmez « Carpe diem».

L’homme :

Je m’appelle Ali, j’ai la petite trentaine. Je suis le héros de cette histoire, donc ce que je vais vous raconter pourrait vous paraitre exagéré avec mes sentiments sans limites. Tout a commencé il y a six ans. À l’époque, je travaillais comme assistant pour une maison d’impression. Avec une voiture en piteux état, je parcourais toutes les rues d’Ankara, je livrais les documents, les cahiers, les livrets commandés par les petits commerçants. Un jour de pluie, j’avais garé ma voiture sur la rue en pente de Küçükesat. Je m’empressais de livrer les commandes et revenir à la hâte à ma voiture. Je n’avais pas pris mon parapluie. En plein été, de la pluie à Ankara, voilà un phénomène rare que j’allais interpréter dans mon univers. Avec les bouts de mes doigts, j’avais remonté mes chaussettes sur les pans de mon pantalon. Mal garé, la peur m’envahissait, je craignais la police. Je ne voulais pas me ruiner avec une contravention. Quand on commence un nouveau travail, on peut être victime de la malchance. Trempé par la pluie, ma chemise collée à mon corps laissait apparaitre mes côtes. Je serrais si fort les liasses de billets dans mes mains que je sentais les veines gonflant dans mes poignets, dans mon cou. Ma voiture garée sur la rue en pente m’attendait, lavée et toute propre. Je m’étais jeté dans ma voiture. J’avais essuyé les liasses de billets contre le tissu des sièges, je reprenais mon souffle. J’avais démarré le moteur et les essuie-glaces commençaient à libérer le pare-brise des gouttes de pluie. J’expérimentais pour la première fois un démarrage sans peine.

Au moment même où j’enclenchais la première vitesse, j’ai remarqué la tête d’une femme qui me regardait, elle était cachée devant de la voiture. J’étais surpris, je ne comprenais pas. Trempée sous la pluie, elle essayait de me faire comprendre quelque chose. J’avais compris que je devais descendre. J’ai rangé les liasses de billets dans la boite à gants. Je voyais qu’elle me regardait très énervée. Elle commençait à frapper sur le pare-brise alors que la pluie s’intensifiait. Si j’allais ouvrir la vitre mes commandes se trouveraient inondés. Je descends de la voiture en rouspétant, ses yeux que je n’avais pas vus derrière la buée du pare-brise m’ont salué.

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Ses cheveux longs collés à sa nuque, ses lèvres et ses yeux bruns avaient purifié mon cœur. Mon être s’était rafraichi et mon cœur battait la chamade comme jamais. Comme si la pluie avait nettoyé mon cœur recouvert de suie. En même temps, elle essayait de me faire comprendre quelque chose, mais elle n’y parvenait pas.

– « Est-ce que tu m’entends, hoo !? »

Sa voix aussi était aussi belle que sa personne, ce n’était pas un coup de foudre, car c’était comme si mon âme essayait de se rappeler celle qu’elle avait toujours côtoyée. Je n’avais plus de notion du temps, mais j’aurais pu rester sous la pluie une éternité à la contempler. Mes mots sortaient de ma bouche comme des miettes de pain.

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